Introduction


Le tendon d’Achille permet l’insertion distale des muscles gastrocnémiens et soléaire sur le calcanéum, ce qui lui confère une anatomie complexe, en particulier fonctionnelle. Le tendon d’Achille est responsable du contrôle de trois articulations, à savoir, le genou, la cheville et l’articulation sous-talienne. Il est le plus large et le plus puissant des tendons de l’organisme humain, capable d’encaisser des contraintes répétées extrêmement élevées. On estime ainsi que ces contraintes s’élèvent, au cours d’un jogging à allure modérée d’un homme de 70 kilos, à 6000 newtons (N) pour chaque foulée. Ceci peut atteindre 8-10 fois le poids de corps lors d’autres activités sportives avec des charges encore plus importantes. Sa vascularisation est toutefois relativement médiocre, l’exposant de ce fait à un nombre important de lésions.
La figure 1 illustre la courbe tension-déformation d’un tendon. Elle démontre qu’une élongation répétée de 5 à 6%, correspondant approximativement à des contraintes de 6000 N, est susceptible d’induire des microruptures intratendineuses.
Figure 1

Courbe tension – déformation d’un tendon


Illustration schématique du développement de lésions tendineuses associées à des élongations répétées du tendon menant à des microtraumatismes cumulatifs pour les fibres tendineuses.
Au cours des deux dernières décennies, le nombre et l’incidence des lésions du tendon d’Achille ont substantiellement augmenté, atteignant à l’heure actuelle 30 à 50% de toutes les lésions liées au sport.1
Deux étiologies bien distinctes sont à l’origine des problèmes achilléens. La première est liée à une forme de surutilisation répétée et/ou une atteinte «dégénérative» tendineuse, alors que la seconde correspond à une maladie systémique dont la problématique tendineuse n’est qu’une manifestation parmi d’autres. Seuls 2% des lésions semblent rentrer dans cette dernière catégorie.
On reconnaît deux catégories de facteurs qui prédisposent le tendon d’Achille à une atteinte sérieuse : les facteurs intrinsèques, liés à l’individu (tableau 1) et ceux extrinsèques, liés à la pratique d’une activité sportive (tableau 2).

Tableau 1

Facteurs intrinsèques prédisposant à une lésion tendineuse d’Achille lors de pratique sportive
Facteurs généraux Facteurs locaux (anatomie membre inférieur) Sexe Asymétrie de longueur Age Laxité articulaire Surpoids et style de vie sédentaire Raideur musculotendineuse Groupe sanguin Faiblesse et déséquilibres musculaires Maladies systémiques (polyarthrite rhumatoïde, spondylarthrite, hyperparathyroïdie, goutte, …) Mal-alignement (hyper ou hypopronation du pied, varus ou valgus de l’arrière-pied, pied plat ou creux) Apport sanguin (ischémie, hypoxie) Typologie HLA


Tableau 2
Facteurs extrinsèques prédisposant à une lésion tendineuse d’Achille lors de pratique sportive
Facteurs généraux Facteurs liés à l’activité physique Prise médicamenteuse(corticostéroïdes locaux et systémiques, fluoroquinolone, stéroïdes anabolisants) Charges excessives (types de sport avec impacts répétés, intensité de pratique, surface de pratique) Drogues (cannabis, héroïne, cocaïne) Erreurs d’entraînement (distances trop importantes, progression trop rapide, fatigue) Technique insuffisante Equipement inadapté Conditions environnementales (chaud ou froid, humidité, altitude) Hydratation insuffisante
D’un point de vue physiopathologique, les mécanismes, menant soit à une tendinopathie chronique d’Achille ou alors à une rupture aiguë, sont résumés dans la figure 2.
Figure 2

Mécanismes physiopathologiques des lésions tendineuses d’Achille pouvant mener à une rupture aiguë ou à une atteinte chronique de type surcharge


Tendinopathie chronique du tendon d’Achille


Mythe de la «tendinite»


Le syndrome clinique associant une douleur progressive (achillodynie) et un épaississement du tendon et/ou du péri-tendon, qui entraîne une réduction de la performance de ce dernier, doit être dénommé «tendinopathie» et/ou «paratendinopathie» et non «tendinite». De fait, il a largement été démontré qu’il ne s’agit pas d’un problème inflammatoire mais d’un processus chronique dégénératif. On retrouve ainsi une fragmentation du collagène avec un accroissement du collagène de type III, une production augmentée de protéoglycanes, une apoptose des ténocytes, ainsi qu’une réaction angioblastique avec néovascularisation et néo-innervation. D’autres modifications sont décrites, telles que la présence anormale de glutamate, de lactate, de substance P et d’autres peptides.2
Lorsque la tendinopathie affecte l’insertion du tendon, elle est appelée tendinopathie insertionnelle. Si seul le corps du tendon est touché, on utilisera la dénomination de tendinopathie non insertionnelle. Si le péri-tendon est concerné, il convient alors de parler de paratendinopathie.


Epidémiologie des tendinopathies d’Achille


Les lésions de surcharges représentent 55 à 60% des cas d’atteinte du tendon d’Achille. Dans la plupart des cas, l’atteinte est associée aux activités sportives et notamment celles à dominante de course à pied, de sauts, etc. Les coureurs de moyenne et longue distances sont les plus touchés (prévalence jusqu’à 50% selon les séries). Toutefois, 30% des patients ne sont pas actifs physiquement. Lors d’un suivi réalisé sur huit ans, il a été relevé que plus de 40% des tendinopathies sont unilatérales, avant de devenir bilatérales. Dans une population sportive, le délai de reprise peut dépasser, pour 40% d’entre eux, les six mois. L’âge est un facteur prédisposant au développement de cette problématique, les sujets actifs plus «vieux» (> 40 ans) représentant 70% de la population touchée. On retrouve en moyenne neuf hommes touchés pour un sujet de sexe féminin.1,3


Diagnostic de la tendinopathie d’Achille


Une anamnèse complète et un examen clinique systématique sont les clés de voûte du diagnostic. Localement, on retrouve la «triade douloureuse» du tendon, lors de la palpation, de l’étirement, ainsi qu’à la contraction résistée. Par ailleurs, l’épaississement tendineux est en général aisément palpé, parfois sous la forme d’un nodule ; une crépitation est perçue en cas de paratendinopathie. Les amplitudes articulaires ne sont pas systématiquement altérées. La statique et la dynamique du pied doivent être systématiquement observées.4
L’échographie est l’examen radiologique de choix, de pré­férence avec un Doppler couleur, afin de mettre en évidence une éventuelle néovascularisation à l’intérieur et/ou autour du tendon. Dans un second temps, la résonance magnétique peut aussi être pratiquée, dans un contexte essentiellement préopératoire ou de suspicion de rupture partielle, qui est moins détectable en échographie.5


Prise en charge non chirurgicale de la tendinopathie achilléenne


Le traitement de la tendinopathie chronique doit impérativement débuter par des mesures conservatrices. Le traitement chirurgical est réservé aux échecs de cette prise en charge, qui aura duré au minimum six mois.


Médications


Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)


Les bases scientifiques sur lesquelles reposait l’efficacité des AINS sont actuellement totalement remises en question, puisqu’il n’existe pas d’éléments inflammatoires dans la tendinopathie chronique. Il se pourrait même que les AINS aient un effet délétère sur la guérison du tendon et contribuent au développement de la tendinopathie.6,7


Corticostéroïdes


Les infiltrations sont très controversées dans cette indication. L’amélioration symptomatique des patients est aléatoire, mais surtout le risque de rupture partielle ou complète du tendon après infiltration intratendineuse, voire péritendineuse, est clairement décrit dans de nombreux «rapports de cas». De plus, des études animales ont bien montré une réduction de la résistance du tendon après des injections. De fait, l’analyse risque-bénéfice des infiltrations tendineuses de corticostéroïdes est loin de favoriser leur utilisation.8


Oxyde nitrique – patchs de trinitrate glycérile (GTN)


L’oxyde nitrique est un puissant radical libre qui se révèle toxique, lorsqu’il est en excès, pour un certain nombre de tissus organiques et particulièrement le tendon. Il a été démontré dans une étude randomisée, contrôlée en double aveugle, que le GTN topique était susceptible d’influencer positivement le devenir des tendinopathies, en modulant le niveau d’oxyde nitrique affectant l’activité fibroblastique et la synthèse du collagène. L’amélioration était significative sur la douleur au repos, à l’effort et à la palpation du tendon, ainsi que lors de certains tests fonctionnels (hop tests)jusqu’à six mois post-traitement.9 Néanmoins, les bases scientifiques de ce type de prise en charge restent limitées.


Travail musculaire excentrique et étirements


Les programmes d’exercices excentriques (travail musculaire réalisé en allongement de l’unité tendomusculaire) représentent certainement les prises en charge les plus étudiées et les plus efficaces, comme le rappelle une méta-analyse récente. Selon les études concernées, l’amélioration sur les douleurs et la fonction de la cheville est quasiment la règle, que le groupe contrôle ait eu une prise en charge wait and see, un programme d’exercices concentriques, d’autres techniques actives ou passives de physiothérapie (stretching seul, par exemple). On relève des différences significatives en faveur des groupes qui ont effectué un travail excentrique, dont l’effet perdure jusqu’à un an après la fin de la prise en charge. Quarante à 80% de ces patients reprennent les activités physiques à douze semaines, et 60 à 90% à un an.10
L’explication scientifique de cette efficacité paraît tenir à la fois de l’effet du travail excentrique sur la synthèse du collagène et l’orientation des fibres11 mais également de la réduction de la néovascularisation intra et péritendineuse.12
Pour que ce type de travail ait une efficacité significative, il convient que les exercices soient réalisés quotidiennement, pendant au moins douze semaines, voire plus, avec une intensité suffisante. Pour la progression de notre programme au fil des semaines, nous utilisons un modèle d’augmentation progressive de charges géré par le contrôle douloureux au moyen d’une échelle visuelle analogique,13 tel que représenté sur la figure 3. Chaque protocole est spécifique à chaque patient et contient le descriptif de l’exercice, le nombre de répétitions par session, le nombre de sessions par semaine et le nombre de semaines de traitement. L’évaluation de la charge et sa progression au fil du temps dépendent de la guérison du tendon.

Figure 3

Modèle de monitoring selon la douleur par échelle visuelle analogique (EVA) pour la réhabilitation des lésions du tendon d’Achille


La douleur est autorisée durant l’exercice jusqu’à une intensité de 4-5 sur l’EVA.
La douleur est autorisée aux mêmes intensités quelques heures après l’exercice, mais doit avoir disparu le lendemain matin.
La douleur du tendon et sa raideur ne doivent pas augmenter de semaine en semaine durant la rééducation.
La figure 4 représente deux exemples d’exercices parmi d’autres. Ils peuvent être réalisés genoux tendus et/ou genoux fléchis. Plusieurs facteurs peuvent varier, tels que : l’amplitude, la vitesse d’exécution, la charge imposée (du simple poids de corps aux charges additionnelles). Nous commençons par trois séries quotidiennes de 10-15 répétitions pour chaque exercice, 5-7 jours/semaine, durant au minimum douze semaines. Des exercices concentriques peuvent bien entendu également être inclus au protocole.
Figure 4

Deux exemples de travail excentrique du tendon d’Achille contenus dans les programmes de prise en charge par l’exercice

Descente excentrique monopodale sur pointe de pieds sur un sol plat
Descente excentrique monopodale sur pointe de pieds sur une marche, talon dans le vide.


Ondes de choc extracorporelles


Il s’agit de l’administration locale d’ondes acoustiques délivrées anciennement par des machines de haute énergie et de façon localement focalisée. Actuellement, les machines délivrent des quantités d’énergie moins élevées (0,2 mJ/mm), et en général de manière radiale (Radial shock wave therapy).
Les mécanismes impliqués au niveau cellulaire et tissulaire sont multiples, allant d’un effet sur les récepteurs à la douleur jusqu’à une stimulation d’une guérison tissulaire (augmentation de l’expression de facteurs de croissance et réduction des métallo-protéases).14 De récentes études prospectives, randomisées et contrôlées, ont démontré une efficacité supérieure des ondes de choc par rapport au placebo, lorsqu’elles sont administrées en complément à un traitement d’étirements musculaires et de travail excentrique, sur des scores fonctionnels, mais non sur la douleur.15Lorsqu’on compare le traitement par ondes de choc, le traitement par exercices excentriques et le groupe contrôle wait and see, les résultats sont comparables dans les deux groupes de traitement. Jusqu’à 60% des patients sont significativement améliorés, tant sur l’antalgique que la fonction, ce qui est bien supérieur au taux de succès du groupe contrôle à un an.16


Injections sclérosantes


L’analyse du tendon d’Achille dans un contexte de tendinopathie chronique par ultrason avec Doppler couleur et immuno-histochimie a confirmé la présence effective de néovaisseaux juxtaposés à une néo-innervation et localisés essentiellement hors du tendon à sa face profonde. Ces faisceaux nerveux contiennent des fibres sensitives et sympathiques, responsables en partie de la transmission nociceptive. Il est actuellement possible de scléroser ces néovascularisation et néo-innervation par injections locales sous échographie d’agents sclérosants type aethoxysklerol (Polidocanol).
Dans les protocoles actuels, une à trois injections de Polidocanol sont administrées, à intervalles de six semaines. Le nombre d’injections dépend de la réponse clinique et échographique, et une période de repos sportif relatif de deux semaines postinjection est respectée.17
Plusieurs études randomisées, contrôlées, en double aveugle, ont depuis lors confirmé l’efficacité de ces injections comparées à la lidocaïne ou au placebo. Il a été noté une disparition quasi-totale de la néovascularisation après traitement, ainsi qu’une diminution de l’épaississement tendineux, témoignant d’un potentiel de remodelage tendineux. Ces bons résultats chez près de 70 à 80% des patients se sont maintenus sur un suivi de deux ans. Sur 1000 tendons traités, la seule complication enregistrée a été la rupture partielle ou complète du tendon dans six cas, dont quatre avaient bénéficié auparavant d’une injection de corticostéroïdes. Il est néanmoins contre-indiqué d’injecter le Polidocanol en intratendineux strict.18


Sérum autologue conditionné et plasma riche en plaquettes


De nombreux facteurs de croissance se trouvent naturellement dans le sang et participent à la stimulation de la guérison physiologique d’un tendon (Transforming trowth factor bêta, Platelet derived growth factor, Insulin like growth factor 1Bone morphogenetic proteins, etc.). Une grande partie de ces facteurs de croissance est contenue dans les granules alpha des plaquettes sanguines. Il est actuellement possible de centrifuger le sang pour en extraire une fraction appelée plasma riche en plaquettes (PRP).19
Une première étude a comparé, en cas de tendinopathie du coude, une infiltration de PRP et un anesthésique local, avec un suivi de 24 mois et un petit nombre de patients dans le groupe contrôle. L’efficacité était clairement meilleure en termes de réduction de douleur dans le groupe PRP (80% très soulagés à six mois, 93% au suivi final).20 Pour la tendinopathie d’Achille, une seule étude contrôlée, randomisée, prospective, a été menée récemment, comparant PRP et une solution saline isotonique, chez deux groupes de patients soumis parallèlement à un protocole excentrique durant six mois. L’amélioration de l’antalgie et des scores fonctionnels est notable dans les deux groupes, meilleure dans le groupe PRP, mais toutefois sans différence statistiquement significative.21 Aucun effet secondaire particulier n’a été relevé.


Prévention


En matière de lésions musculosquelettiques chroniques liées à la pratique d’une activité physique, la notion de pré­vention est cardinale. Pour la tendinopathie d’Achille, les facteurs favorisants systématiquement relevés sont une surcharge dans l’entraînement (trop de contraintes, trop souvent), un terrain ou des conditions climatiques défavorables, l’existence d’une lésion préalable de même type, de problèmes mécaniques constitutionnels au niveau des membres inférieurs ou encore de déséquilibres musculaires autour de la cheville.
La prévention repose ainsi sur trois axes prioritaires :22
  • la méthodologie et les surfaces d’entraînement ;
  • les dysfonctions musculaires et le manque de flexibilité ;
  • l’adéquation du matériel et le port d’orthèses.
Le planning d’entraînement doit être individualisé et progressif, en tenant compte des objectifs fixés. Il doit impérativement inclure des pauses et jours de repos. La surface d’entraînement doit être appropriée et régulière sans modifications brutales et répétées ; il est admis que chaque semaine, au maximum 10% du temps d’entraînement est réalisé sur une nouvelle surface. La présence d’un déficit de force ou d’extensibilité d’un groupe musculaire (triceps sural en particulier) doit être prise en charge par un entraînement spécifique de type renforcement concentrique et excentrique ainsi que des étirements réguliers. Enfin, en ce qui concerne le matériel, des supports plantaires contrôlant un excès de pronation ou supination, une inégalité importante de longueur des membres inférieurs ou une instabilité de l’arrière-pied sont recommandés.


Rupture aiguë du tendon d’Achille


Epidémiologie


Le tendon d’Achille est le tendon le plus souvent lésé et compte pour 40% de toutes les ruptures tendineuses. Les hommes sont plus souvent atteints que les femmes (ratio de 2 :1 à 18 :1 selon les études) et la population noire est plus à risque que la caucasienne.
On retrouve un premier pic d’incidence entre 30 et 50 ans, chez des patients actifs qui pratiquent des sports avec sauts répétés et accélérations-freinages. Le deuxième pic se situe après 50 ans, plutôt chez les patients non athlétiques et les femmes. Les trois quarts des ruptures sont liées à l’activité physique, et particulièrement aux sports de raquette et ballon, qui représentent 89% des cas. Les sports à risque sont ainsi les disciplines qui comportent des sauts, de la course et des changements de direction avec une charge excentrique répétée. A titre d’exemple, on citera le squash, le badminton, le football, le volley-ball et le basket.


Etiologie


La cause exacte de la déchirure aiguë du tendon d’Achille n’est pas connue. On postule qu’une maladie sous-jacente du tendon puisse favoriser la survenue d’une rupture. Cette hypothèse est étayée par la présence d’une dégénérescence mucoïde et hypoxémique, de nécroses tissulaires, de calcifications et d’une tendino-lipomatose.
Le sujet sédentaire qui pratique une activité physique inhabituelle, et particulièrement l’un des sports mentionnés ci-dessus, est donc susceptible de déchirer son tendon.23 La probabilité que cela survienne dépend toutefois de la présence de certains facteurs de risque, tels que l’hyperpronation du pied. De fait, dans ce cas, l’attaque du pas provoque une ischémie transitoire par un effet biomécanique de torsion (torsional ischemic effect) du tendon d’Achille, faisant apparaître des microdéchirures au sein du tendon. D’autre part, après 30 ans, la densité des fibres de collagène diminue, entraînant une réduction du diamètre du tendon d’Achille qui peut également prédisposer à la rupture.
Les infiltrations intratendineuses de cortisone, en provoquant une nécrose des fibres de collagène et un retard de cicatrisation, favorisent la rupture du tendon d’Achille. Il en est de même pour le traitement oral par fluoroquinolones qui agit par toxicité directe sur les ténocytes.


Diagnostic


Le diagnostic est essentiellement clinique. Le patient rapporte une douleur fulgurante en regard du tendon d’Achille de type coup de hache et peut parfois même entendre un claquement. Il s’en suit une douleur postérieure de la cheville et une impotence fonctionnelle associée à une boiterie. Classiquement, à l’inspection, on retrouve un hématome sur le bord médial et latéral du pied. En décubitus ventral, les genoux étant fléchis à 90°, on note une dorsiflexion spontanée du côté atteint (perte du tonus musculaire des gastrocnémiens). Un trou peut être palpé, le plus souvent 3-6 cm en dessus de son insertion calcanéenne. Le test de Thompson (calf squeeze test) s’effectue toujours en décubitus ventral avec les pieds dépassant la table d’examen et la palpation du mollet ne provoque pas de flexion plantaire du côté atteint (comparativement au côté controlatéral). Une flexion plantaire active peut par contre être présente, soit par atteinte partielle du tendon d’Achille, soit par activation du muscle plantaire grêle lors de ruptures complètes.
Les examens complémentaires ne sont en général pas nécessaires. S’il persiste un doute, une échographie ou une IRM peuvent préciser le diagnostic.


Prise en charge


Le choix de la prise en charge, chirurgicale (chirurgie ouverte, mini-invasive) ou conservatrice, reste aujourd’hui encore très débattu. Récemment, une étude randomisée contrôlée a comparé les deux types de traitement ; il a été démontré que les scores fonctionnels (force concentrique, marche sur pointe des pieds et tests de sauts) étaient meilleurs à six mois pour le groupe chirurgical. A douze mois, les résultats étaient pratiquement identiques, sauf pour l’appui sur la pointe des pieds où le groupe chirurgical avait de meilleurs résultats.24 Il n’y avait, par contre, aucune différence à six et douze mois pour les tests de sauts et pour la force excentrique. Le taux de reruptures était modestement plus élevé (12%) dans le groupe non chirurgical contre 4% dans le groupe chirurgical, mais de manière non statistiquement significative (p = 0,377).
Globalement, les résultats semblent malgré tout plus prometteurs avec le traitement chirurgical. Ce choix n’est néanmoins pas dénué de complications telles que, infection, déhiscence de cicatrice, lésion neurologique (nerf sural) ou adhérences, ces dernières pouvant être en partie limitées avec une approche percutanée ou mini-invasive.
La réhabilitation postopératoire est une étape primordiale. La mobilisation précoce améliore, à terme, la force qui peut être supportée par le tendon suturé.25 En effet, tout comme le tissu osseux, le tissu tendineux répond au stress mécanique en augmentant la synthèse de collagène et en modifiant l’alignement des fibres. Il existe de nombreux protocoles de rééducation postopératoire, sans que l’on puisse démontrer la supériorité de l’un par rapport à l’autre. L’un d’eux préconise le port d’une attelle fixée à 20° de flexion plantaire pendant deux semaines (durée de la cicatrisation cutanée) avec une charge selon douleurs, puis une libération de la flexion plantaire jusqu’à 0°. Un autre protocole propose la mise en place d’une attelle jambière type Inostep pendant six semaines, en charge selon douleurs. La flexion plantaire est libre et la dorsiflexion limitée à -30° pendant deux semaines, à -10° les deux semaines suivantes, puis à + 10° les deux dernières semaines.
Historiquement, le traitement conservateur consistait en une contention plâtrée de la cheville, en flexion plantaire afin d’approcher bout à bout les berges du tendon lésé, pour une durée de plusieurs semaines en décharge. Tout récemment, une étude lausannoise a proposé une approche dynamique du traitement conservateur des ruptures du tendon d’Achille.26 De façon analogue aux protocoles postopératoires, ce protocole propose une immobilisation dans une attelle VACOped en flexion plantaire, selon le schéma suivant :
  • flexion plantaire statique de 30° de la première à la troisième semaine ;
  • flexion plantaire statique de 15° de la quatrième à la cinquième semaine ;
  • flexion plantaire dynamique de 30°à 15° de la cinqième à la sixième semaine ;
  • flexion plantaire dynamique de 30°à 0° dès la septième semaine ;
  • port d’une semelle talonnière (de 10 mm) de la huitième à la douzième semaine.
La charge selon douleurs est autorisée dès J10. Le taux de reruptures est de 9% avec des valeurs de force musculaire encourageantes.
En résumé, le traitement conservateur peut engendrer des complications telles que la rerupture et les troubles de la cicatrisation (cicatrisation en position allongée) mais reste le traitement de choix chez les patients à risque de complications postopératoires, notamment les patients fumeurs, diabétiques et/ou avec une insuffisance vasculaire. Le traitement chirurgical peut engendrer des complications telles qu’une infection, des lésions neurologiques et des adhérences cicatricielles, mais il reste néanmoins la prise en charge préconisée pour les sujets physiquement actifs.


Conclusion


Si la rupture aiguë complète ou partielle du tendon achilléen chez un sportif est un événement grave, elle est heureusement relativement rare, même si des notions épidémiologiques récentes nous montrent une augmentation régulière de son incidence dans les pays industrialisés au cours des dernières décennies.
Par contre, la tendinopathie chronique d’Achille est beaucoup plus fréquente dans les milieux sportifs, même amateurs et représente pour le pratiquant un handicap notoire à son entraînement. Il est donc primordial de bien comprendre les mécanismes étiopathogéniques et les circonstances favorisant la survenue de ce type de pathologies de surcharge chronique.
Une prise en charge structurée, reposant sur cette compréhension, est ensuite nécessaire à la guérison aussi complète que possible de la problématique. La figure 5 illustre un organigramme de traitements possibles de la tendinopathie chronique à partir de recommandations internationales établies.27,28
Figure 5

Exemple d’un itinéraire de prise en charge d’une tendinopathie chronique (> 3 mois) du tendon d’Achille


Implications pratiques

> Le tendon d’Achille est le tendon le plus puissant de l’organisme, avec une anatomie fonctionnelle plutôt complexe et une vascularisation relativement médiocre
> Il existe de nombreux facteurs favorisant l’apparition de lésions tendineuses, qu’elles soient aiguës de type rupture ou chroniques liées à une surcharge
> Dans tous les cas, le diagnostic d’un problème achilléen repose avant tout sur un examen clinique systématisé
> En cas de tendinopathie (et non tendinite) chronique, la prise en charge est d’abord et surtout conservatrice, à base initialement d’un travail excentrique contrôlé et progressif
> En cas de rupture aiguë, le traitement chirurgical, surtout chez le sportif, paraît encore s’imposer, en particulier au vu du taux de reruptures nettement moindre qu’avec une prise en charge conservatrice