Les affections du genou sont en augmentation croissante dans la population. Cette augmentation est due aux traumatismes sportifs et à la prévalence croissante d'arthrose du genou liée au vieillissement de la population. La prise en charge multidisciplinaire dans la phase aiguë mais surtout chronique de ces affections paraît primordiale pour en réduire la morbidité. En juin 2001, s'est tenu le symposium «Pathologie du genou», sponsorisé par Pharmacia-Pfizer. Son but était de faire la lumière sur les dernières nouveautés en thérapeutique dans ce domaine et de synthétiser la prise en charge de ces pathologies sous l'angle de la chirurgie orthopédique, de la rhumatologie et de la médecine physique. Il était animé par les professeurs T.L. Vischer (Division de rhumatologie, HUG), J. Garcia (Département de radiologie, HUG), D. Fritschy (Policlinique de chirurgie, HUG), ainsi que les docteurs P.-A. Guerne (Division de rhumatologie, HUG) et J.-L. Ziltener (Clinique romande de réadaptation, Sion).

Sémiologie et traitement chirurgical
(Pr D. Fritschy)

L'accident récent
En Suisse, les sports les plus souvent impliqués dans les pathologies du genou sont le ski et le football.
Une seule question prime : s'agit-il d'une entorse grave ? Concernant les symptômes, les éléments de gravité sont : un craquement lors de l'accident, l'impression de genou flottant, l'apparition rapide d'un épanchement et une limitation lors de l'extension. Cliniquement, la mobilité active d'abord puis passive est testée, les points douloureux sont recherchés (insertions ligamentaires et tendineuses, interligne articulaire, rotule). Puis, il faut tester la stabilité du genou avec le test de Lachman, genou presque en extension (positif si lésion du ligament croisé antérieur). Un effacement de la tubérosité tibiale antérieure en flexion du genou signe une lésion du ligament croisé postérieur. On recherche également une laxité des ligaments latéraux, et une lésion méniscale (déficit d'extension si interposition due à une anse de seau ou une languette, test de Mac Murray, grinding test, etc.).
En cas d'épanchement, celui-ci doit être ponctionné stérilement. La présence d'une hémarthrose signe une effraction osseuse dans 5% des cas surtout en présence de lobules graisseux (fracture chondrale ou ostéochondrale, arrachement ligamentaire), une déchirure ligamentaire dans 80% des cas (presque toujours le ligament croisé antérieur) ou une déchirure méniscale dans 15% (présence de vaisseaux dans sa périphérie). Les lésions combinées sont possibles. L'évolution d'une hémarthrose traumatique non traitée est défavorable dans 80% des cas1 et un épanchement doit donc toujours être investigué.

Diagnostics possibles :
I Entorse bénigne, qui est une contusion ou une distorsion simple sans atteinte ligamentaire ou méniscale.
I Entorse grave avec lésion ligamentaire, et/ou déchirure méniscale, et/ou fracture.
I Fractures : luxation de la rotule avec arrachements de fragments, arrachement ligamentaire (souvent chez l'enfant et l'adulte jeune avec arrachement de l'attache au plateau tibial), torsion-collision épine-condyle, fracture de Segond (avulsion de la capsule avec fragments arrachés sur le condyle externe et sur le tibia). A relever que les fractures chondrales (fragment cartilagineux) ne se voient pas sur les radiographies standards et que l'IRM est alors l'examen de choix.
I Lésions tendineuses (quadriceps, rotulien), lésions vasculaires ou nerveuses lors de luxation surtout, lésions des parties molles, des bourses, etc.
Le bilan complémentaire comprend des radiographies de face, de profil et en axial de la rotule, pour exclure une fracture et préciser le cadre osseux, et éventuellement une IRM. Le traitement chirurgical n'étant pas urgent, il faut d'abord immobiliser le membre inférieur par une attelle, prescrire des cannes et des antalgiques, puis débuter rapidement les exercices de remusculation du quadriceps, la fonte musculaire commençant dès le traumatisme initial.

Le genou chronique post- traumatique
Le potentiel de cicatrisation du ligament croisé antérieur (LCA) est médiocre, et une laxité ligamentaire sur une déchirure ancienne du LCA, avec douleurs, lâchages et blocages, va retentir sur les autres structures du genou, surtout les ménisques puis le cartilage, menant à une arthrose post-traumatique.
Le traitement peut se faire par chirurgie arthroscopique avec résection à minima des lésions méniscales, régularisation des lésions cartilagineuses et chirurgie ligamentaire par greffe autologue avec un autre tendon (rarement : allogreffe). Une plastie de reconstruction est indiquée principalement chez les patients actifs entre 15 et 35 ans, gênés dans leurs activités quotidiennes ou chez les sportifs professionnels. Avant l'âge de 15 ans, il faut attendre que la croissance soit bien avancée pour éviter de léser le cartilage de croissance.
La méniscectomie classique par arthrotomie est arthrogène et aujourd'hui, le ménisque doit être préservé dans la mesure du possible. L'arthroscopie est indiquée uniquement pour une intervention chirurgicale et non pour poser un diagnostic, qui se fait par IRM.
Après méniscectomie, les principaux facteurs arthrogènes sont le volume de ménisque excisé, la qualité du cartilage restant, la présence d'une laxité ligamentaire, le morphotype (surcharge pondérale, défaut d'axes). Les dégâts peuvent être prévenus par une modification des activités, le renforcement musculaire, le port d'une orthèse et une éventuelle reconstruction ligamentaire.

Le genou arthrosique post-traumatique

Les symptômes sont : douleur, tuméfaction, diminution de mobilité et instabilité.

Traitement chirurgical :
I L'arthroscopie permet une toilette articulaire avec excision de tissu méniscal dégénératif, une régularisation des lésions cartilagineuses et éventuellement une résection des ostéophytes.
I L'amélioration est transitoire, de quelques mois à quelques années.
I La correction des défauts d'axe par ostéotomie a pour but de stabiliser l'évolution de l'arthrose avec en moyenne sept ans d'effet bénéfique.
I L'arthroplastie partielle ou totale, qui est un resurfaçage partiel ou complet des zones arthrosiques, est devenue très fréquente avec 265 000 patients qui en ont bénéficié aux Etats-Unis et 6000 en Suisse.

Le point de vue du rhumatologue
(P.-A. Guerne)
Lors d'une monoarthrite, l'épanchement doit toujours être ponctionné (technique de ponction : cf site Internet : www.rheuma-net.ch) pour compter le nombre de cellules (pathologie non inflammatoire si cellules 1,4).
Monoarthrites infectieuses
L'origine de ces arthrites peut être pyogène (diagnostic par la culture), neisserienne (culture souvent négative, diagnostic par frottis et PCR dans les urines), sur maladie de Lyme (culture non sensible, diagnostic par Elisa et Western Blot), à Brucella (diagnostic par sérologie), dans le cadre d'une maladie de Whipple (arthrite à caractère palindromique, avec troubles digestifs et malabsorption, diagnostic par biopsie jéjunale et PCR), à mycobactéries (faire des biopsies si les cultures sont négatives).

Arthrites microcristallines

Goutte
Si l'acide urique sérique est supérieur à 420 mmol/l, le diagnostic de goutte a une sensibilité de 90%, mais une spécificité de 54% seulement. Donc celui-ci se fait par la mise en évidence de cristaux dans le liquide synovial (sensibilité : 84%, spécificité : 99%). De plus, il faut rechercher la présence de tophus et d'érosions sur les radiographies.
Le traitement d'attaque reste classique : AINS, stéroïdes en injection intra-articulaire ou i.m., ou per os 30-50 mg/j pendant sept à dix jours, éventuellement colchicine. Concernant le traitement prophylactique, les indications à l'introduction d'un hypo-uricémiant comme l'allopurinol (avec ajustement de la dose selon la créatinine) sont : plus de trois crises/an, une néphropathie uratique, des tophus, des signes radiologiques. Ils doivent être introduits à distance, c'est-à-dire plus de deux semaines après la dernière crise, sous couvert d'un traitement prophylactique (AINS à petites doses, colchicine 0,5-1 mg/j).

Chondrocalcinose
L'arthrite aiguë à pyrophosphate de calcium est le plus souvent spontanément résolutive. Les radiographies étant peu sensibles et peu spécifiques, le diagnostic se fait également par la mise en évidence de cristaux dans le liquide de ponction. Si nécessaire, le traitement de la crise est le même que celui de la goutte. Il est utile de rechercher une pathologie associée : hémochromatose, hyperparathyroïdie, hypomagnésémie sévère. Il existe aussi une arthropathie chronique qui peut être mono-, oligo- ou polyarticulaire, et qui se traite soit par des AINS, de la colchicine à petites doses, ou des stéroïdes à faibles doses.
Dans le diagnostic différentiel d'une mono-arthrite du genou, il faut aussi évoquer une spondylarthropathie, une arthrite réactionnelle (à streptocoques, à chlamydia, etc.), une hémochromatose. Une polyarthrite rhumatoïde a rarement un début mono-articulaire.

Pathologies non arthritiques
Les plus fréquentes sont l'arthrose, la nécrose aseptique, les fractures lentes, les bursites prépatellaire ou infrapatellaire d'origine microtraumatique, infectieuse ou inflammatoire. Le diagnostic de ces dernières se fait par ponction avec compte cellulaire et culture.

Traitement médicamenteux de l'arthrose
I Le traitement classique comprend les analgésiques non opiacés, les AINS, les injections intra-articulaires de stéroïdes, les opiacés si nécessaire.
I Une viscosupplémentation avec des chondroprotecteurs en injection intra-articulaire (Synvisc®, Osténil®, etc.) montre une efficacité supérieure au placebo sur les douleurs (à 6 mois : 50% des patients sont satisfaits) et comparable aux AINS sans les effets secondaires. La réponse est plus favorable dans les stades initiaux de l'arthrose, et moins favorable s'il y a un épanchement. Pour l'instant, il n'y a pas beaucoup d'évidence sur l'effet protecteur du cartilage (ralentissement de destruction).
I L'effet du sulfate de chondroïtine (Condrosulf®, Structum®) est principalement antalgique.
I La glucosamine, non vendue en Suisse, aurait des résultats positifs selon une étude récente.2 Vu les nombreux biais de ce travail, d'autres études sont nécessaires avant de conclure définitivement à un effet thérapeutique de ce produit.
I La synoviorthèse est utile si l'épanchement est récidivant et répond partiellement aux injections intra-articulaires de stéroïdes.

Examens radiologiques en fonction de la sémiologie
(Pr J. Garcia)
Les critères essentiels d'un bon examen radiologique sont le choix adéquat de la technique, qui doit être la plus sensible et la plus spécifique selon la durée des symptômes, la rigueur dans l'analyse et l'interprétation des images ainsi que la prise en compte de la corrélation radio-clinique.
I Lors de traumatisme, les radiographies sont indispensables, de face, de profil et axiale. Si la clinique est suspecte et les premières radiographies normales, des obliques sont nécessaires. Selon la gravité du traumatisme, un CT-scan doit être effectué. L'IRM permet la découverte de lésions non visibles sur les radiographies : œdème, lésions ligamentaires ou méniscales. De bonnes coupes IRM permettront de mettre en évidence des signes indirects de rupture du LCA. En cas de déchirure méniscale, les lésions visibles à l'IRM vont jusqu'à la surface du ménisque. Chez les jeunes, il existe déjà des petites hétérogénéités qui sont des dégénérescences mucoïdes et donc banales.
I En cas d'arthrose fémoro-tibiale, les radiographies sont à demander en position debout pour bien apprécier l'espace articulaire, en extension et en flexion à 30° afin de mieux déceler l'arthrose débutante.
I L'arthrose fémoro-patellaire se met en évidence avec des radiographies axiales à 30° pour analyser la partie inférieure de la rotule, à 60° pour la partie moyenne et à 90° pour la partie supérieure. Un mauvais positionnement du malade peut mimer un pincement articulaire (erreur technique).
I L'IRM avec injection de produit de contraste est la meilleure technique pour diagnostiquer une chondromalacie.
I L'échographie reste l'examen de choix lors de pathologies tendineuse, ligamentaire et périarticulaire (kystes, bursites, etc.)
I Les pathologies inflammatoires sont investiguées par l'IRM.
I L'IRM est positive dès les premiers jours en cas d'algodystrophie, avec un œdème qui régresse dans les deux mois, et un épanchement (diagnostic différentiel : fracture par insuffisance).
I Lors de nécrose aseptique, l'IRM est positive dès les premiers jours avec un œdème non spécifique puis des images caractéristiques dans les trois premiers mois.
I La ponction est le premier geste à effectuer en cas de suspicion d'arthrite septique.
L'imagerie est utile pour le bilan des complications.
I Les pathologies tumorales sont bien visibles sur les radiographies standards. Le bilan d'extension de la lésion dans l'os et les tissus mous se fait par IRM.
Place de la médecine physique
(Dr J.-L. Ziltener)

Troubles dégénératifs
Les effets des traitements physiques passifs (cryothérapie, thermothérapie, TENS, ondes courtes) sont positifs uniquement dans les stades aigus. La physiothérapie manuelle peut améliorer la mobilité mais doit toujours être associée à des exercices à domicile.
Il existe une corrélation entre le gain de force et la diminution des douleurs après un minimum de huit semaines d'exercices globaux et en série de renforcement musculaire. Une diminution de l'efficacité est néanmoins notée à long terme. Les exercices aérobiques tels que la marche et/ou le vélo, trois fois par semaine pendant trois mois, améliorent la fonction, la qualité de vie et les douleurs.

Syndrome fémoropatellaire
Lors d'atteinte de la surface cartilagineuse ou de troubles de la dynamique rotulienne (dysplasie, instabilité, etc.), le traitement consiste à rétablir la balance musculaire entre le muscle vaste interne et le vaste externe, associé à des exercices d'étirements des muscles tenseurs de fascia lata et ischiojambiers. L'efficacité d'un taping rotulien est controversée mais un effet subjectif antalgique est toutefois souvent noté. Lorsque le taping a un effet antalgique mais est mal supporté, une orthèse peut être prescrite.

Lésions récentes du LCA
Comme l'a mentionné précédemment le professeur Fritschy, le traitement chirurgical n'est pas urgent. L'immobilisation doit être courte, entre 2-6 semaines. Le traitement fonctionnel pur avec reprogrammation musculaire et exercices de proprioception a pour objectif d'éviter l'instabilité. Il doit être débuté précocement pour éviter l'atrophie musculaire et les adhérences périrotuliennes, d'abord par électrostimulation si nécessaire puis par renforcement musculaire. Il y a peu de différence entre le traitement conservateur et le traitement chirurgical sur la fonction à long terme, mais la chirurgie apporte une meilleure stabilité de l'articulation.

Bibliographie :
1 Mariani PP, Puddu G, Ferretti A. Hemarthrosis treated by aspiration and casting. How to condemn the knee. Am J Sports Med 1982 ; 10 : 343-5.
2 Reginster JY, Deroisy R, Rovati LC, et al. Long term effects of glucosamine sulphate on osteoarthritis progression. Lancet 2001 ; 357 : 251-6.